À l’occasion d’une étude de l’expérience de la gomme à l’ENSEA, ENSEA Quantum Computing s’est demandé : “Est-il possible d’effectuer cette expérience sur Qiskit ?”
Voici la réponse !
L’expérience de la gomme quantique (ou “quantum eraser” en anglais) est une expérience de physique quantique qui permet d’illustrer les propriétés étranges et contre-intuitives de la mécanique quantique, en particulier le principe de la dualité onde-particule et le concept d’intrication quantique.
Dans cette expérience, un photon est envoyé à travers une fente double, ce qui crée un motif d’interférence sur un écran de détection situé derrière la fente (ref. expérience des fentes d’Young). Cette interférence est caractéristique d’un comportement ondulatoire, et suggère que le photon se comporte comme une onde.
Cependant, si l’on place un détecteur de particules juste avant la fente double pour déterminer par quelle fente le photon est passé, le motif d’interférence disparaît et le photon semble se comporter comme une particule.
C’est là que l’expérience devient intéressante : en utilisant un dispositif appelé “gomme quantique”, il est possible de “rétablir” le motif d’interférence. Le dispositif consiste en deux détecteurs de photons placés après la fente double, mais avant l’écran de détection. Chacun de ces détecteurs est capable de déterminer la polarisation du photon qui le traverse.
Si l’on utilise seulement l’un des deux détecteurs, le motif d’interférence ne réapparaît pas. Cependant, si l’on utilise les deux détecteurs ensemble et que l’on compare les résultats de leur mesure, le motif d’interférence réapparaît.
Cela suggère que le photon se comporte à la fois comme une onde et comme une particule, et que le fait de mesurer l’une de ces propriétés modifie le comportement de l’autre. En d’autres termes, le photon semble “s’adapter” à la façon dont on observe son comportement, ce qui est l’une des caractéristiques les plus étranges et fascinantes de la mécanique quantique.
Nous allons maintenant vous expliquer comment nous avons réalisé cette expérience sur un ordinateur quantique !
Nous allons utiliser Qiskit, une bibliothèque Python pour la programmation des ordinateurs quantiques, pour simuler dans un premier temps l’expérience des fentes d’Young.
Voici le circuit quantique que nous avons généré :
Le circuit quantique est créé dans la boucle for et est destiné à représenter la fente double. Pour pouvoir voir une figure d’interférence sur l’écran, nous allons à l’aide de la boucle for, balayer l’écran de mesure en incrémentant un angle θ. Il s’agit d’un circuit à un seul qubit (analogue à notre photon), qui est d’abord mis dans un état de superposition (grâce à la porte Hadamard H) -ici, on a l’analogie des fentes-, puis subit une rotation d’un certain angle (défini par θ) autour de l’axe Z, avant d’effectuer un changement de base de mesure à l’aide de H. Enfin, le qubit est mesuré.
Une variable ‘intensité’ (analogue à notre intensité lumineuse) qui est un vecteur de longueur N, initialisé à zéro, va stocker les résultats de la mesure pour chaque angle θ. Pour chaque itération de la boucle, le circuit quantique est exécuté sur un simulateur quantique, avec un nombre donné de tirs (shots), qui simule les répétitions de l’expérience (l’analogie d’un flux de photons). Les résultats sont stockés dans une variable qui contient le nombre de mesures avec un résultat de 0 ou de 1.
Si cette variable contient le chiffre 1, cela signifie que le qubit a été mesuré dans l’état |1⟩, ce qui correspond à un photon qui a traversé la fente A. Le nombre de mesures dans cet état est stocké dans le vecteur ‘intensité’ à l’indice correspondant à l’angle θ. Si la variable contient le chiffre 0, cela signifie que le qubit a été mesuré dans l’état |0⟩, qui correspond à un photon qui a traversé la fente B.
Enfin, la figure d’interférence est affichée en utilisant la bibliothèque matplotlib. Chaque ligne de la matrice d’entrée est identique, contenant les valeurs stockées dans ‘intensité’, pour créer une figure d’interférence symétrique.
En somme, ce circuit permet de simuler l’expérience des fentes d’Young en utilisant un ordinateur quantique, et d’afficher une figure d’interférence.
Maintenant, nous cherchons à mesurer par quelle fente est passé le photon, pour cela nous utilisons le circuit quantique suivant :
Ce circuit est utilisé également pour simuler l’expérience des fentes d’Young, mais cette fois-ci, il inclut des mesures pour déterminer par quelle fente le photon est passé.
Le circuit quantique créé dans la boucle for et possède deux qubits, ainsi que deux bits classiques pour stocker les résultats de la mesure.
Le circuit commence par mettre le premier qubit dans un état de superposition (passage des fentes d’Young) à l’aide de la porte Hadamard H, puis applique une porte de contrôle (CX) entre les deux qubits pour créer un état de Bell (|00⟩ + |11⟩). Ceci est l’analogie du passage du photon incident (qubit 1) dans un cristal générant une paire de photon intriquée (qubit 1, qubit 2).
Ensuite, un angle de rotation est appliqué au premier qubit, suivi d’une autre porte Hadamard. Le second qubit est ensuite mesuré, ce qui permet de déterminer par quelle fente le photon incident est passé. Si le second qubit est mesurés à 0, cela signifie que le photon incident a pris le chemin de la fente B. Si le second qubit est mesuré à 1, cela signifie que le photon incident a pris le chemin de la fente A. On peut observer alors une analogie de la disparition de la figure d’interférence lorsque le qubit 1 est mesuré.
Nous pouvons finalement ajouter une gomme quantique dans notre circuit (porte H dans le prochain circuit) qui va gommer l’effet de la mesure du deuxième qubit et qui va ainsi restaurer la figure d’interférence sur l’écran.
La porte Hadamard appliqué sur le qubit 2 avant la mesure vient brouiller la mesure du qubit initialement intriqué avec le qubit supérieur. On observe alors que la figure d’interférence est restaurée.